Echouage

Mais il y avait eu ce cri, ce cri interminable, ce cri de la femme qui avait tout vu, et qui avait su, dès les premiers coups de feu, parce que quand les soldats étaient là c’était toujours comme ça,...

« Dans un restaurant de bord de mer, alors que les feux croisés des conversations des tables voisines se sont éteints – moments d’humanité ordinaire, hilarants et pitoyables – Sebain, un vieil homme égaré et suffocant, finit par révéler à son jeune invité ce qu’il n’a jamais dit à personne : ce qui s’est passé en Algérie, 40 ans avant… Dans la mise en scène, le début du texte est traité comme une partition afin de créer la simultanéité des conversations qui forment une sorte de choeur, de faire entendre la musicalité de la langue, de mettre en évidence la charge satirique, le rythme, la drôlerie, avant de laisser place au drame intime sur fond de tragédie collective et de basculer dans l’horreur finale.  »

Françoise Spiess.

Par quel miracle littéraire Alain Spiess […] a-t-il réussi, en si peu de pages et comme en une seule phrase, torsadée, proustienne, oppressante, à faire entendre à la fois la mémoire blessée d’un vieil homme, le silence excédé de son jeune invité, et le choeur futile de bâfreurs pressés ?
— Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, juillet 2004
Dans cette salle où tant de choses s’esquissent, se défont, c’est la montée d’un gigantesque refoulé touchant à la guerre d’Algérie. Alain Spiess combine de manière implacable l’observation des rituels et ce tricotage de sous-conversations. Les digressions n’en sont pas et se lient de façon toujours plus envoûtante jusqu’au précipité final. Nouveau témoignage d’une belle écriture au service d’une approche psychologique originale – à la fois sensuelle et humoristique.
— Jean-Maurice de Montremy, Livres-hebdo, vendredi 16 avril 2004.
Des « héros » incertains, déphasés […] Un mal de vivre ontologique aiguisé par une époque irréelle, qui ne laisse guère d’espace aux rêveurs […] On admire comme toujours chez Alain Spiess le talent à faire sourdre le malaise entre les lignes, à faire surgir le drame du terreau de la banalité, à nous apprendre à nous intéresser aux êtres les plus ternes pour déceler les destins romanesques qui se terrent derrière tant d’apparente fadeur.
— Laurent Dandrieu, Valeurs actuelles, 23 juillet 2004